Hausse des prix de l'oeuf - halte aux raccourcis

Une pénurie d'œufs et son corollaire, l'augmentation du prix, ont été constatées sur le marché français en ce début d'année 2012. Les prix des œufs se sont envolés de plus de 75% pour les industriels des pâtes, gâteaux et biscuits1.

La faute à la directive européenne ?

A compter du 1er janvier 2012, de nouvelles normes européennes concernant la protection des poules pondeuses dans les élevages sont entrées en vigueur. La hausse des prix a été imputée à la mise en place de ces nouvelles normes2. Qu’en est-il réellement ?

12 ans de transition !

La directive date de 1999. Les producteurs ont disposé de 12 ans pour opérer la transition : largement de quoi être prêts dans les temps.
Nombre de professionnels ont cependant délibérément choisi de ne pas l’être.
Fin 2010, une résolution du Parlement européen tirait déjà la sonnette d'alarme : « le non-respect de la directive 1999/74/CE peut entraîner un risque de pénuries d'œufs et d'augmentations considérables des prix à la consommation »3.
Une partie des professionnels ont continué à faire la sourde oreille et à compter sur un report de l’application de la directive. La production d’œufs est ralentie actuellement en France parce que ces producteurs retardataires doivent interrompre momentanément leur production pour modifier les cages. Ceux de leurs collègues dont les installations sont aux normes profitent de la pénurie temporaire. Comme l'indiquait un article paru en mars 2012 dans la revue professionnelle Réussir Aviculture : « Les professionnels français et européen qui ont anticipé la mise aux normes des poules pondeuses en cage et qui détiennent des poules en production peuvent se frotter les mains »4.

Le coût de la mise aux normes n’explique pas la hausse des prix

D'après plusieurs experts de la filière, la mise aux normes coûte, sur un an, de 3 cts/100 œufs pour les éleveurs qui ont un simple aménagement à réaliser à 47 cts/100 oeufs pour les éleveurs qui optent pour une reconstruction à neuf5. En 2009, produire 100 œufs coûtait à peu près 6 euros. La mise aux normes entraîne donc une augmentation de 0.5% à 8% du coût de production. Ce qui est très loin d’expliquer la flambée des prix observée actuellement sur le marché de l’œuf coté.
Par ailleurs, l’alimentation des poules représente entre 50 et 60% du prix de production d'un œuf. C'est avant tout l'augmentation du prix du blé et du maïs qui entraîne celle des coûts de production des œufs.

Conséquences du modèle intensif généralisé

En France, la production d'œufs repose principalement sur l'élevage en batterie. C’est pourquoi l’application de normes minimales de protection des animaux entraîne des changements pour la majeure partie des exploitations, comme un arrêt momentané de la production et des travaux de mise aux normes. La Directive européenne n'a eu aucune incidence sur les élevages qui ne confinent pas les poules dans des cages. La situation actuelle est donc aussi la conséquence de ce modèle agricole qui a donné priorité à l'élevage intensif. À titre de comparaison, en France, presque 8 poules sur 10 sont élevées dans des cages en batterie, contre moins de 4 sur 10 en Allemagne qui ne rencontre pas de situation de pénurie...


1- Esther Lagarde, « La France manque d'œufs », Libération, 7 mars 2012.
2- « Une directive européenne fait monter le prix des oeufs », Nord Eclair, 12 mars 2012.
3- Résolution du Parlement européen du 16 décembre 2010 sur l'industrie des poules pondeuses au sein de l'Union européenne – interdiction de l'utilisation de cages non aménagées à partir de 2012.
4- Pascal Le Douarin, « La France et l'Europe à cours d'œufs standard », Réussir Aviculture, mars 2012, p4-5.
5- « Aménagement des cages pour poules pondeuses : impacts économiques, sanitaires, zootechniques et sur le bien-être animal », Innovations Agronomiques, 2011

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