Le 07/12/2022
L'interdiction du broyage et du gazage des poussins mâles, annoncée par le gouvernement en janvier 2020, est inscrite dans la loi depuis février 2022 et doit s'appliquer au 1er janvier 2023. Les exceptions prévues dans la loi et les négociations avec la filière œufs rendent l’interdiction inopérante.
L214 organise ce mercredi 7 décembre à 12 h 30 un happening devant la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) aux côtés de plusieurs élus pour dénoncer la manipulation orchestrée par le gouvernement et demander une interdiction effective de l’élimination des poussins mâles.
Un article du journal Réussir rapporte les négociations entre le CNPO (Comité national pour la promotion de l'œuf) et le ministère de l'Agriculture. Après un report de l'interdiction effective (initialement annoncée pour fin 2021), le syndicat a annoncé au ministre Marc Fesneau que les producteurs pourraient tenir l'échéance du 1er janvier 2023 à condition que les œufs blancs destinés à être transformés soient écartés de l'interdiction, pour « raison de compétition européenne ».
Les œufs destinés à la transformation représentent jusqu’à 50 % du total d'œufs produits en France, sous la forme d'ovoproduits destinés à l'industrie ou à la restauration hors domicile1 : aucune obligation de sexage in ovo des poussins destinés à cette production, dont les mâles seront toujours broyés ou gazés dès la naissance, ce qui représente jusqu’à 25 millions de poussins chaque année.
Cette dérogation justifiée par la « compétition européenne » est incompréhensible puisque l'Allemagne, deuxième pays producteur d'œufs en Europe (14 % de la production) juste derrière la France (15 % de la production), a rendu obligatoire l’ovosexage et interdit le broyage et le gazage depuis le 1er janvier 2022.
Le décret du 5 février 2022 prévoit quant à lui une dérogation concernant les poussins qui seraient destinés à l'alimentation animale, c’est-à-dire dont la chair est transformée en croquettes ou en pâtée pour les animaux de compagnie ou en farine pour les animaux d’élevage. Cette disposition rend totalement caduque l’obligation de sexage et l’interdiction de broyage : l’alimentation animale est un débouché sans limite.
Mercredi 7 décembre, à 12 h 30, une délégation de L214 se rendra devant les bureaux de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), branche chargée de la condition animale auprès du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Un happening sera organisé pour interpeller les services du ministère, avec bannières, banderoles et mise en scène du broyage des poussins.
Happening de L214 contre le broyage des poussins en 2014
(photos libres de droits)
Des personnalités politiques seront présentes en soutien, parmi lesquelles :
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Le gouvernement a annoncé l'interdiction du broyage et du gazage des poussins dans la filière œufs : il n’en sera rien. Les dérogations annoncées permettront de poursuivre cette pratique comme avant.
Ce gouvernement ment sciemment, c’est scandaleux.
Il démontre ainsi son indifférence manifeste à la souffrance des animaux et aux attentes citoyennes.
Nous serons ce midi devant la Direction générale de l’alimentation (DGAL) pour demander au ministre de l'Agriculture de tenir ses engagements concernant l'interdiction du broyage et du gazage des poussins mâles dans la filière poules pondeuses.
Nous renouvelons également notre demande qu'elle s'étende aux autres oisillons, en particulier aux canetons femelles tués dans l'industrie du foie gras.
Une pétition en ligne porte cette demande et nous invitons tous les citoyens et citoyennes à la signer sur notre site Internet. »
→ Voir la pétition adressée au ministre de l'Agriculture
Informations pratiques concernant le happening :
Où : Devant la DGAL, 251 rue de Vaugirard, Paris 15e
Quand : Mercredi 7 décembre de 12 h 30 à 14 h 30.
1. Oeufs hors consommation à domicile. FranceAgriMer, 2022. Fiche filière Oeufs 2020-2022.
Pour chaque poule pondeuse élevée en France, un poussin mâle, jugé inutile par la filière, a été broyé ou gazé. Chaque année, ce sont ainsi au moins 57 millions de poussins qui subissent ce sort2 : triés juste après leur naissance, les poussins femelles sont envoyés dans les élevages, et les poussins mâles sont tués.
Le broyage et le gazage sont les deux méthodes d’élimination autorisées en Union européenne, certains pays utilisant davantage l’une ou l’autre des méthodes. Cette élimination d’individus très jeunes, à une si grande échelle, est un tabou de la production, et les images sont aussi rares que choquantes.
→ En savoir plus sur le sexage des poussins
Suite à la diffusion par L214 d’images de la mise à mort des poussins en couvoir, le gouvernement français s’est engagé en 2015 à soutenir le développement de technologies de détection du sexe des poussins avant l’éclosion (méthodes dites de « sexage in ovo » ou ovosexage) puis a annoncé en 2020 s'engager à y mettre fin.
En France, les couvoirs ont jusqu’à fin 2022 pour s’équiper en dispositifs d’ovosexage. Une aide publique de 10 millions d’euros leur a été allouée et le surcoût pour les consommateurs est estimé à 1 centime par œuf.
→ Voir notre enquête sur le broyage des poussins (2014)
Dans la loi entrant en vigueur le 1er janvier, une dérogation est prévue pour l’alimentation animale. C’est une dérogation qui ne limite pas la poursuite des pratiques actuelles. Dans les débats, il faut distinguer :
L’Autriche montre une voie pour limiter les exceptions : « à partir du 1er janvier 2022, aucun poussin auparavant viable ne pourra être remis aux installations d'équarrissage. » C’est-à-dire que la dérogation actuellement dans la loi française est exclue en Autriche.
« Seuls les poussins d'alimentation dont il peut être prouvé qu'ils sont réellement nécessaires aux zoos autrichiens et aux stations d'oiseaux de proie peuvent être livrés à ces installations avec assurance qualité. »
La part de poussins concernés est réduite à son minimum. Il n’est aucunement question de compétitivité ou d’alimentation animale au sens large.
En juin dernier, 18 associations européennes de défense des animaux, dont L214, ont demandé aux ministres de l’Agriculture de soutenir le mouvement impulsé par la France et l’Allemagne en demandant que l’interdiction du broyage et du gazage des poussins soit étendue à toute l’UE et que cette interdiction porte aussi sur les canetons, injustement oubliés.
Cet appel a été entendu concernant le broyage des poussins mâles dans la filière oeufs. Les ministres européens ont en effet annoncé en octobre leur volonté d’étendre l’interdiction du broyage des poussins mâles, sous réserve des résultats d'une étude d'impact réclamée à la Commission.
La promesse du gouvernement était déjà limitée : elle ne concernait que les poussins mâles issus de la filière poules pondeuses.
Bien d’autres jeunes oisillons sont éliminés dès la naissance.
C’est le cas des canetons femelles : du fait d’un foie plus petit et plus innervé pour les canes, en temps normal, l’industrie du foie gras gave uniquement les canards mâles et élimine les canetons femelles.
→ Voir notre enquête sur le broyage des canetons (2015)
C’est également le cas des oisillons mis au rebut dès la naissance parce qu’ils sont blessés, malformés ou malades. Les jeunes oisillons surnuméraires sont aussi gazés ou broyés. Il peut s'agir d’une production trop importante ou d’une annulation de commande. Cela concerne les poulets, dindes, pintades ou cailles.
Le gouvernement avait pris des engagements a minima, ignorant de fait la réalité des couvoirs qui, quotidiennement, mettent à mort des oisillons. Une véritable politique de réduction des souffrances infligées à ces oiseaux doit être menée.