Le 02/03/2021
Ce mardi 2 mars de 5 h à 10 h, L214 est présente devant l'abattoir de Blancafort (Cher) accompagnée de deux eurodéputés, Caroline Roose et Manuel Bompard, ainsi que d’un huissier pour observer l'arrivée des camions transportant les dindes et constater l’infraction systématique et caractérisée à la réglementation sur le transport des animaux.
Deux mois et demi après l'enquête révélée par L214 dans cet abattoir du géant européen LDC, qui abat des dindes et dindons pour sa marque Le Gaulois, les conditions de transport des oiseaux à Blancafort n'ont pas changé : ils sont entassés dans des positions éprouvantes, voire douloureuses, dans des caisses très basses, empilées les unes sur les autres. Plus grands que les dindes, les dindons, même couchés, ont la tête collée au plafond des caisses.
Caisses de transport à l'abattoir de Blancafort, 2020 (photo libre de droits)
C’est une infraction flagrante à la réglementation européenne sur le transport des animaux applicable depuis près de 30 ans : en effet, la directive de 1991, applicable dès 1993, dispose : « Les animaux doivent disposer de suffisamment d'espace pour rester debout dans leur position naturelle. » Le règlement de 2005, qui lui succède, précise en outre que cet espace est exigé « afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux. »
Le constat établi par l’huissier viendra compléter la plainte déposée en décembre contre l’abattoir et le transporteur.
En France, environ 50 millions de dindes sont abattues chaque année (48 millions en 2019). Combien sont transportées dans ce type de caisses ?
Les eurodéputés Caroline Roose et Manuel Bompard sont membres de la commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport du Parlement européen, créée en juin 2020. Cette commission d’enquête a notamment pour mission de constater les infractions à la réglementation et les actions mises en œuvre par les États membres pour y remédier.
Manuel Bompard est en outre vice-président de l’intergroupe pour le bien-être animal du Parlement européen depuis février 2021.
Les deux élus ont répondu présent à l'invitation de L214 à venir constater sur le terrain la problématique du transport des oiseaux.
Pour Caroline Roose, eurodéputée (groupe des Verts/Alliance européenne – Alliance écologiste indépendante) : « Le règlement européen sur la protection des animaux pendant le transport adopté en 2005 n’a pas permis de mettre fin aux souffrances des millions d’animaux qui sont transportés chaque année en Europe. Depuis plusieurs années, les journalistes et les ONG de protection des animaux ont alerté et ont prouvé que la loi n’était largement et systématiquement pas respectée. La loi n’a pas non plus été mise à jour suite à l’avancée des recherches vétérinaires qui ont montré que la loi actuelle est insuffisante pour protéger les animaux.
C’est ce qui a poussé le Parlement à créer une commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport. Pendant plus d’un an, nous enquêtons en auditionnant responsables politiques, administrations, vétérinaires, associations et transporteurs. Il est aussi important d’aller constater sur le terrain comment la loi est appliquée. C’est ce que nous faisons aujourd’hui en inspectant le transport des animaux qui arrivent à l’abattoir de Blancafort, suite au travail de L214. »
Pour Manuel Bompard, eurodéputé (groupe GUE/NGL – France insoumise) : « La commission d’enquête sur le transport des animaux du Parlement européen a pour objectif de vérifier l’application de la réglementation européenne en matière de transport des animaux vivants et de réfléchir à sa révision, qui, honnêtement, semble nécessaire au vu des manques constatés jusqu’ici. Pour cela, depuis plusieurs mois, nous entendons les témoignages et analyses d’ONG, de vétérinaires, de chercheurs… Mais il est très important pour moi de venir constater les conditions réelles de vie des animaux, au-delà des statistiques et des déclarations de bonnes intentions.
En juillet dernier, je m’étais rendu au port de Sète avec l’association Welfarm pour observer le chargement des animaux sur les bateaux. Aujourd’hui, choqué par la dernière enquête de L214 à l’abattoir de Blancafort, qui montrait des poubelles débordant de dindes trouvées mortes dans les camions, j’ai tenu à venir me rendre compte des conditions de transport des volailles. »
Pour Sébastien Arsac, directeur des enquêtes et porte-parole de L214 : « L’écart colossal entre la réglementation et son application est consternant.
Après chacune de nos enquêtes, les autorités se veulent rassurantes en parlant de réglementation et de services de contrôle. Il n’en est rien : ici, une loi applicable depuis près de 30 ans est bafouée par le numéro 1 de la viande de volaille en Europe, en toute impunité. Les animaux sont transportés dans des conditions épouvantables sans que cette situation ne déclenche d’action concrète des services de l’État, c’est scandaleux. »
→ Notre enquête de décembre dernier
Le règlement européen 1/2005 relatif à la protection des animaux pendant le transport, entré en vigueur en 2007, dispose (annexe I, chapitre II, 1.2) :
« Un espace suffisant est prévu à l'intérieur du compartiment destiné aux animaux et à chacun des niveaux de ce compartiment afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux lorsqu'ils sont debout dans leur position naturelle, sans qu'en aucun cas leurs mouvements naturels puissent être entravés. »
Dans la directive du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport, il était déjà précisé (chapitre II, point 30) que :
« 2. a) Les animaux doivent disposer de suffisamment d'espace pour rester debout dans leur position naturelle et, le cas échéant, de barrières les protégeant contre les mouvements du moyen de transport. Sauf si des conditions spéciales relatives à la protection des animaux exigent le contraire, ils doivent avoir de l'espace pour se coucher. »
À l’abattoir LDC de Blancafort, les dindes et les dindons arrivent entassés dans les caisses de transport. Leurs têtes touchent le plafond, ce qui ne permet pas une ventilation adéquate et peut entraîner chez les oiseaux un stress thermique : ce phénomène, causé par la chaleur, provoque notamment des halètements chez les oiseaux. Les images d’octobre 2020 montraient des poubelles remplies des cadavres des oiseaux n’ayant pas survécu à ces conditions de transport.
Poubelles à l'abattoir de Blancafort, 2020 (photo libre de droits)
En 2009, L214 avait signalé une infraction similaire en ce qui concerne le transport des chevreaux. Après ce signalement, il avait fallu 4 ans pour que les autorités françaises imposent le respect de ce point de réglementation. Aux côtés de membres du Parlement européen, L214 espère que les autorités françaises prendront désormais la situation au sérieux.
→ Chevreaux transportés dans des caisses à dindes
Avec l’association Eyes on Animals, en 2019 et 2020, L214 a montré les conditions de transport déplorables des veaux nourrissons transportés d’Irlande vers les Pays-Bas, avec une violente escale en France. Ce sont des dizaines d’enquêtes de ce type de différentes ONG qui ont attiré l’attention de la Commission européenne : « La Commission a été régulièrement informée des violations systématiques et graves commises pendant le transport d’animaux vivants. »
En juin 2020, le Parlement européen a alors créé une commission d’enquête sur les transports d’animaux : entre autres, « la commission d’enquête sera chargée d’examiner le défaut allégué de la Commission de faire respecter efficacement les dispositions concernant l’espace disponible au sol et en hauteur, prévues à l’article 3, deuxième alinéa, point g), et à l’annexe I, chapitre II, point 1.2, chapitre III, point 2.3, et chapitre VII, du règlement (CE) n°1/2005, et le défaut allégué des États membres de mettre en œuvre et de faire respecter efficacement lesdites dispositions. »
À Blancafort, les eurodéputés pourront constater un mode de transport illégal qui perdure depuis près de 30 ans sans que les autorités françaises agissent.
L'enquête de L214 à l'abattoir de Blancafort, où sont abattus des dindes et des dindons pour la marque Le Gaulois (LDC), publiée en décembre 2020, montrait des infractions sur le transport et sur l'abattage des animaux, en particulier sur la chaîne d'accrochage.
Suite à la diffusion de l'enquête, la préfecture a demandé un plan d’action de mise aux normes, sans stopper le fonctionnement de l’abattoir. Aucune autre information n’est publiquement disponible concernant ces mises aux normes. La demande de visite adressée à l’abattoir par L214 est restée lettre morte.