Le 24/11/2020
L’État français viole plusieurs dispositions du droit européen en matière de protection des animaux et de libre circulation des marchandises. En associant, dans sa définition même, foie gras et gavage, il empêche le développement d'alternatives à cette pratique interdite dans de nombreux pays.
L214 dépose un recours en responsabilité contre l’État pour 5 violations du droit de l’Union européenne devant le tribunal administratif de Paris :
Ce recours est déposé ce 25 novembre à l’occasion de la Journée mondiale contre le foie gras.
Il coïncide également avec le début d’une vaste campagne de communication sur plusieurs chaînes de télévision lancée par l’interprofession des producteurs de foie gras (CIFOG) pour un montant de 2 millions d’euros. Elle fait suite à une calamiteuse campagne radio qui s’est achevée le 7 novembre.
La publicité télé qui tourne en boucle est soutenue par FranceAgriMer, un organisme qui gère les aides européennes et nationales : de l’argent public est donc utilisé pour faire la promotion d'un produit pour le moins controversé puisque 58 % des Français sont favorables à l’interdiction du gavage (YouGov, 2017).
Très au fait de la préoccupation sociétale croissante pour les animaux, le CIFOG a bien conscience que les réalités de la production de foie gras ne sont pas bonnes à exposer. L’an dernier, il a vainement tenté de faire interdire une parodie de son spot publicitaire réalisée par L214 dénonçant la souffrance des canards.
Vidéo de L214 parodiant la campagne de publicité du CIFOG (libre de droits)
Preuve supplémentaire du soutien inconditionnel des pouvoirs publics à cette filière, le plafonnement des promotions des produits alimentaires dans les supermarchés, inscrit dans la loi Alimentation de 2018, a été « assoupli » (!) en ce qui concerne le foie gras.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « La situation est particulièrement scandaleuse en ce qui concerne la production de foie gras. D’une part, la France viole ses obligations européennes, notamment en matière de protection des animaux. D’autre part, des fonds publics sont attribués pour faire la promotion de ce produit. Résultat : des millions d’oiseaux gavés, rendus malades afin que leur foie grossisse jusqu’à dix fois sa taille normale. Il serait grand temps d’y mettre fin. »
→ En savoir plus sur la production de foie gras
→ Nos dernières enquêtes sur la production de foie gras
En 1998, la directive 98/58/CE concernant la protection des animaux dans les élevages est publiée. Cette directive est, comme c’est obligatoire, transposée dans le droit français notamment au travers de l’arrêté du 30 mars 2000 modifiant l'arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l'élevage, la garde et la détention des animaux.
Cette transposition a été partielle : c’est une première violation du droit européen. En effet, le gouvernement a “oublié” de transposer l’article qui dispose qu’« aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles. »
Et pour cause : l’interdiction que pose la directive d’alimenter un animal dans des conditions qui lui causent des souffrances ou des dommages inutiles est directement à l’origine de l’interdiction du gavage en Italie, pays pourtant producteur de foie gras à l’époque.
→ Les conséquences du gavage sur les oiseaux
→ Interdiction du gavage dans le monde
En 2006, le parlement français adopte l’article 654-27-1 du Code rural et de la pêche maritime, lequel inscrit dans la loi le gavage comme condition pour obtenir l’appellation foie gras.
« Le foie gras fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France. On entend par foie gras, le foie d'un canard ou d'une oie spécialement engraissé par gavage. »
Cet article est une deuxième violation du droit européen : il inscrit une pratique contraire au droit européen dans la loi française. De plus, il interdit de facto la commercialisation de foie gras obtenu par méthode alternative au gavage.
On retrouve cette définition déformée et restrictive du foie gras dans la version française du règlement 543/2008/CE :
« Les foies d’oies ou de canards des espèces Cairina muschata ou Cairina muschata x Anas platyrhynchos gavés de façon à produire l’hypertrophie cellulaire graisseuse du foie. »
Dans toutes les autres langues européennes, le terme utilisé est « alimenté » !
Par exemple dans la version anglaise :
« The livers of geese, or of ducks of the species Cairina muschata or Cairina muschata x Anas platyrhynchos which have been fed in such a way as to produce hepatic fatty cellular hypertrophy. » Fed, pas force-fed.
Nous avons ici une troisième violation du droit européen.
→ Consulter les différentes versions
Au niveau européen, la définition d’un foie gras repose sur le poids des foies et non sur une obtention par gavage :
La définition française entrave la libre circulation des marchandises en interdisant à des produits répondant à la définition européenne du foie gras d’être commercialisés en France sous l’appellation foie gras, c’est une quatrième violation du droit européen.
L’État français s’est engagé à soutenir la recherche d’alternatives au gavage en ratifiant la recommandation du 22 juin 1999 concernant les canards de barbarie (Cairina moschata) et les hybrides de canards de barbarie et de canards domestiques (Anas platyrhynchos). Il n’en a rien fait, c’est une cinquième violation du droit européen. Au contraire, son institut de recherche, l’INRA, s’est attaché à tenter de démonter les conclusions de l’accablant rapport scientifique européen de 1998, lequel mettait en lumière les graves conséquences du gavage sur l'état de santé des oiseaux.
→ En savoir plus sur la recherche biaisée de l’INRA
→ En savoir plus sur le rapport européen de 1998
L214 a formulé des demandes formelles de mise en conformité au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation en décembre 2019. Elle a renouvelé ces demandes en septembre 2020. Sans réponse de sa part, L214 se voit contrainte de déposer un recours en responsabilité contre l’État pour violation du droit de l’Union européenne.