Nouvelle enquête dans un abattoir de l’Indre : des pratiques cruelles

Le 03/11/2018

L214 demande la fermeture immédiate de l’établissement

L214 révèle aujourd’hui une nouvelle enquête dans l’abattoir communal du Boischaut, dans l’Indre. Les images, difficilement soutenables, ont été tournées fin août et début septembre 2018. Seulement 19 heures de tournage auront suffi à capter de nombreuses violations de la loi encadrant les conditions de mise à mort des animaux. L214 porte plainte auprès du procureur de la République de Châteauroux pour maltraitance et sévices graves. Par ailleurs, les règles élémentaires en matière d’hygiène ne sont pas respectées. L’association demande à la préfecture la fermeture immédiate de l’établissement. En 2016, un rapport accablant des services vétérinaires avait déjà identifié des non-conformités majeures qu’on retrouve dans cette nouvelle enquête, deux ans plus tard.

Nouvelles images d'un abattoir de l'Indre

→ Voir la vidéo d'enquête

Des animaux, déjà suspendus par une patte, sont saignés alors qu’ils sont pleinement sensibles et conscients : aucun contrôle de sensibilité n’est effectué après l’utilisation du matador (pistolet à tige perforante) censé étourdir les animaux. Des bovins commencent à être découpés alors qu’ils sont encore vivants. Un chevreau ayant essayé de s’enfuir à plusieurs reprises est projeté au-dessus des autres avant d’être saigné, encore conscient, faute « d’étourdissement » efficace. Un employé transperce la patte d’un autre chevreau pour le suspendre avant même de le tuer.

De graves manquements sont également à déplorer concernant les règles sanitaires. L’employé chargé de saigner les animaux ne porte aucun équipement professionnel : il est vêtu d'un simple t-shirt. Une fois assommés, les bovins tombent dans le sang et les excréments des animaux abattus avant eux. Entre deux saignées, le salarié pose son couteau à même le sol, à l’encontre des règles d’hygiène les plus élémentaires.

L214 demande à Système U et Carrefour, qui commercialisent de la viande issue de cet abattoir, de cesser immédiatement de s’approvisionner auprès de celui-ci.

L’association dénonce les carences des services vétérinaires qui permettent la persistance de ces actes. En effet, lors de l'inspection des abattoirs de boucherie menée sur tout le territoire en 2016 suite à la diffusion des enquêtes de L214, un rapport avait relevé des points de non-conformité majeurs de l’établissement à la réglementation en vigueur, rapport visiblement resté sans effets concrets.

→ Voir le rapport complet de cette enquête

→ Voir le rapport d'inspection des services vétérinaires de 2016

Contacts presse :
Sébastien Arsac : 06 17 42 96 84

Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66

Isis La Bruyère (sur place) : 07 82 59 49 79

Un abattoir à taille humaine certifié bio

L’établissement dans lequel L214 a mené cette enquête, l’abattoir du Boischaut, est un abattoir public de 17 salariés géré par la Communauté de communes de La Châtre et Sainte-Sévère dans l’Indre. On y abat chaque année 17 000 animaux de différentes espèces : bovins, caprins, ovins et cochons. L’établissement est habilité à abattre des animaux issus de la filière bio.
Quels que soient les modes d’élevage, quels que soient les labels, les méthodes de mise à mort sont exactement les mêmes et génèrent des souffrances intenses pour les animaux.

Des manquements à la loi graves et routiniers

Les multiples violations de la loi constatées par l’association ont été validées par le Pr Mouthon, vétérinaire expert auprès des tribunaux, qui a analysé le rapport issu de cette investigation.

Des structures et matériels défaillants

De nombreux dysfonctionnements liés à des structures ou des matériels défaillants ont été constatés :

  • Le box censé maintenir les bovins avant leur étourdissement ne permet pas d’immobiliser les veaux. On voit ainsi plusieurs veaux se retourner dans le box tandis qu’un autre tente de sauter en dehors. Ce dysfonctionnement avait déjà été signalé en avril 2016 dans le rapport effectué par les services vétérinaires du département.
  • La pince à électronarcose semble dysfonctionner et un nombre important d’animaux (moutons et chevreaux) ne sont pas « étourdis » correctement au moment de la saignée.
  • Quasiment tous les ovins et les caprins assistent à la saignée de leurs congénères en attendant leur tour.
  • Les crochets destinés à suspendre les ovins et les caprins avant la saignée n’ont pas une taille adaptée aux animaux de petite taille. Après avoir demandé conseil à un collègue, un employé transperce la patte d’un chevreau pour l'accrocher. Cette pratique routinière est d’autant plus inadmissible que l’animal en question manifestait des signes de conscience avant la perforation. Témoins de cette pratique, les agents des services vétérinaires en charge de l'inspection l'avaient non seulement mentionnée dans leur rapport, mais avaient aussi exigé l'arrêt temporaire de la chaîne.

Mauvais traitements et actes de cruauté envers les animaux

De graves manquements sont aussi à déplorer dans les pratiques des salariés :

  • Aucun contrôle de sensibilité n’est effectué après l’utilisation du pistolet à tige perforante censé les étourdir. Certains animaux sont ainsi pleinement conscients au moment de la saignée. Ces insuffisances dans la vérification de l’inconscience des animaux avaient déjà été soulignées dans le rapport de 2016.
  • Des bovins commencent à être découpés alors qu’ils sont encore vivants. Les cornes sont ainsi cisaillées à la racine dans le crâne des bovins alors qu’ils se vident encore de leur sang. Cette opération, douloureuse si l’animal est conscient, ne devrait être effectuée qu’après s’être assuré que l’animal est bien mort, plusieurs minutes après le début de la saignée. Des coups sont assénés aux veaux qui bougent dans le box d’immobilisation.
  • Un chevreau ayant essayé de fuir à plusieurs reprises, est projeté au-dessus des autres pour être ramené sur la table d’affalage puis saigné, encore conscient, faute « d’étourdissement » efficace.
  • Des bovins attendent jusqu’à 20 minutes dans le box d’immobilisation alors qu’ils devraient y être conduits au dernier moment, comme l’exige la réglementation.

Une hygiène déplorable

Les manquements à la réglementation concernent aussi l’hygiène :

  • Le salarié chargé de l'étourdissement, de l’accrochage, de la saignée et d’une partie de la découpe des animaux ne porte aucune protection.
  • Une fois assommés, les animaux tombent dans le sang et les excréments des précédents avant d’être suspendus.
  • Comme en 2016, les salariés posent systématiquement le couteau avec lequel ils égorgent les animaux à même le sol.

→ Voir le rapport complet de cette enquête

→ Voir le rapport d'inspection des services vétérinaires de 2016

Sans vidéo, pas d’évolution

En 2016, à la suite des vidéos diffusées par L214 concernant les abattoirs d’Alès, du Vigan et de Mauléon, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avait ordonné un audit de tous les abattoirs français. Les résultats étaient sans appel : 80 % des chaînes d’abattage des abattoirs de boucherie présentaient des non-conformités. Ces visites avaient entraîné l’arrêt de plusieurs chaînes d’abattage. Houdan, Limoges, Boischaut : les images tournées bien après les inspections montrent qu’aucune mesure n’a été prise pour remédier aux manquements pourtant relevés et consignés dans les rapports.

Les images de L214 ont également débouché sur une commission d’enquête parlementaire initiée par Olivier Falorni. Outre le contrôle vidéo, la création d’un Comité national d'éthique des abattoirs (CNEAb) faisait partie des 65 propositions du rapport.
En juillet 2017, ce Comité national d’éthique des abattoirs a été mis en place afin, théoriquement, de débattre de l’évolution de la législation et de la réglementation relatives à la protection animale en abattoir. Le CNEAb réunit différents acteurs professionnels et institutionnels dont des associations de protection animale. À l’origine de la création de ce comité, L214 en a été d’emblée exclue, son entrée étant bloquée par les professionnels : leur objectif est de rassurer les consommateurs, pas d’être à l’écoute d’une demande sociétale grandissante, soucieuse des conditions de mise à mort des animaux. Nous réitérons notre demande auprès du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation d’intégrer ce groupe de concertation afin d’œuvrer ensemble à renforcer les contrôles et les sanctions et faire reculer les pires pratiques, comme nous l’avons fait autour du projet de loi Alimentation.

Le Boischaut et les autres, un problème de société

On demande l’impossible aux ouvriers d’abattoir : tuer avec douceur et respect des êtres qui ne veulent pas mourir, qui résistent autant qu’ils le peuvent. Si les ouvriers doivent répondre de leurs actes, ils n’ont pas à porter la responsabilité de ce système violent. Les différentes recherches et études menées par ailleurs ont montré que la violence des abattoirs s’exerce aussi sur eux.

À la lumière de cette nouvelle enquête, c’est notre responsabilité collective en tant que société qui fait naître, exploite et tue chaque jour sans nécessité 3 millions d’êtres sensibles qui doit être interrogée.

→ Voir les autres enquêtes de L214

Contacts presse :
Sébastien Arsac : 06 17 42 96 84

Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66

Isis La Bruyère (sur place) : 07 82 59 49 79

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